RUESSIUM, Saint-Paulien
Lage
Beschreibung
Gemäß einer Pressemeldung vom 20. Januar 2021 in "l'éveil de la Haute-Loire" wird im Hauptort des Stammes der Vellauni nach der Auswertung von Luftbildern und Berichten über Wölbkonstruktionen im Bereich der Rue de la Motte Féodale ein Theater am Ort vermutet:
"L’ancienne capitale vellave (Ruessium) abritait un théâtre gallo-romain dont on ignorait l’emplacement. Par des recoupements d’archives et de cartes, tel un puzzle, deux chercheurs affirment l’avoir localisé dans le quartier du Haut-Solier au cœur de Saint-Paulien. Découverte majeure.
Il s’agit probablement de l’une des découvertes archéologiques majeures réalisées en Haute-Loire jusqu’à présent : la découverte d’un édifice de spectacles comme le Colisée dans l’ancienne capitale gallo-romaine du Velay, Ruessium (Saint-Paulien). Réalisée par deux chercheurs férus d’histoire locale, Jean-René Mestre, déjà découvreur de nombreux sites dont celui de l’oppidum du Chalat de Jax, et Bruno Mestre, bien connu de nos lecteurs pour sa rubrique d’histoire locale chaque mercredi, cette découverte exceptionnelle change la vision de l’histoire du Velay. La fin certainement d’une énigme millénaire sur laquelle se sont penchés et heurtés des générations d’érudits et d’archéologues. Et comme c’est souvent le cas, la clé de l’énigme se trouvait sous nos yeux, bien en évidence.
L’existence et l’emplacement de ce théâtre étaient incertains jusqu’à aujourd’hui Les avis divergeaient sur la présence ou non d’un tel édifice en Velay.
La majorité pensait, comme l’érudit Roger Maurin, ancien maire de Saint-Paulien et grand connaisseur de l’histoire de la cité ruessienne, tout comme Françoise de la Conterie (1905-1995) ou Jean Orelle (1909-1995), que le théâtre avait été en bois et qu’il aurait pu se trouver au nord de Saint-Paulien vers le lieu-dit « Les Côtes ». Roger Maurin indiquait aussi que les anciennes cités importantes avaient toujours leur temple et leur théâtre. Certains doutaient carrément de son existence possible car ils pensaient que la cité, bien que capitale de l’ancien Velay, était de trop faible importance ! Pour Bruno Mestre, même avant sa découverte, il ne faisait aucun doute qu’il existait un théâtre : « Javols (Anderitum), la capitale romaine de nos voisins gabales (habitants du Gévaudan, aujourd’hui la Lozère), avait un théâtre. Il y en avait un aussi à
Moingt, dans la Loire, près de Montbrison. Chacun avait une capacité de 6.000 à 10.000 places. » Comme l’a remarquablement démontré Louis Simonnet dans sa thèse d’histoire sur Le peuplement dans l’Antiquité en Velay (1984), « il ne faut pas croire qu’à l’époque gallo-romaine notre région était déserte ou isolée des grandes voies de circulation.
L’habitat était modérément dense, mais uniformément réparti avec notamment de grands domaines de campagne, les villae, auxquels ont succédé la majorité de nos bourgs. Cette population rurale venait se rassembler régulièrement dans le chef-lieu. Pour le Velay, c’était évidemment à Ruessium et le théâtre devait avoir une vraie fonction sociale, pas seulement culturelle. C’était le lieu privilégié des réunions publiques d’importance et vers lequel convergeait toute l’activité administrative d’alors, au centre de la région, le long d’une grande voie reliant Lyon, la capitale des Gaules, à l’Aquitaine ». Cette découverte toute récente chamboulera sans nul doute tout un pan de l’histoire du Velay. Les deux chercheurs ont pris contact avec une archéologue spécialisée dans les monuments publics gallo-romains qui prépare une thèse sur les monuments publics gallo-romains de la vallée du Rhône (Vaison-la-Romaine particulièrement).Les spécialistes de l’histoire vellave dans le quartier de Saint-Paulien où est localisé le théâtre.
Avant de se rendre officiellement sur le site, ils ont fait part de leur travail de découverte à un parterre de spécialistes : Roger Maurin, Louis Simonnet, docteur en archéologie, François-Xavier Amprimoz, ancien conservateur du musée Crozatier, René Liabeuf, archéologue, Bernard Galland, historien, Jean-Paul Béal, chercheur-archéologue des souterrains et grottes de Haute-Loire, Alain Roqueplan, membre de sociétés savantes, Thibaut Sauzaret, historien spécialiste de l’œuvre d’Albert Boudon-Lashermes sur laquelle il travaille actuellement aux Archives départementales, accompagnés d’autres passionnés d’histoire locale. Ces spécialistes évoquent une hypothèse très sérieuse et fort bien étayée.
Un théâtre sous le château de la Mote du Haut-Solier
Chaque découverte a son histoire et celle-ci ne fait pas exception. Les deux érudits indiquent qu’au départ ils cherchaient, dans le cadre d’une publication à venir aux Cahiers de la Haute-Loire, à dresser un inventaire des mottes féodales du département. Saint-Paulien est justement cité dans d’anciens textes pour avoir abrité une motte castrale sur la butte du Haut-Solier, le long de la route allant à Craponne. C’était même un castrum (vieux château) de la noble famille des Polignac dont descend aujourd’hui le prince Albert de Monaco. D’après Jean-René Mestre, c’est d’ailleurs ce « château de la Mote », datant vraisemblablement de l’an mil, qui a empêché d’identifier la localisation du théâtre : tout le monde s’est focalisé sur lui et a pensé que la route de Craponne l’avait à moitié détruit lorsqu’elle fut aménagée. Personne n’a cherché à savoir s’il n’y avait pas une autre explication à la forme bizarre de son implantation en demi-arc de cercle, forme très visible sur les vieux plans. Ni à constater sur place que la route n’avait rien détruit.
Il faut dire qu’en parallèle, les découvreurs ont consulté une multitude de textes anciens et en particulier le manuscrit de Gaspar Chabron (1625) qui restait jusqu’avant sa mise en ligne sur Internet par Les Cahiers de la Haute-Loire, l’un des derniers « angles mort de l’histoire locale » (pour reprendre l’expression de l’érudit ceyssacois Jean-Claude Besqueut). Ce manuscrit revient sur la famille de Polignac depuis les origines. Dans de nombreux chapitres, il est question de Saint-Paulien et des propriétés que les Polignac y possédaient. Chabron décrit longuement les trouvailles archéologiques faites au Haut-Solier. Un passage avait particulièrement attiré l’attention : Chabron parle de « lieux souterrains […], fondements desdites forteresses admirables pour le grand nombre et grandeur des cartiers de pierre blanche desquels ils étoint bâtis, que nous avons veu tirer de nos jours et être liés ensemble à la façon de celles que l’on voit aux arènes de Nîmes ». En comparant la topographie des parcelles cadastrales (1811) du Haut-Solier en demi-arc de cercle avec les photos aériennes des théâtres de Fourvière (Lyon), Moingt et Javols, puis en décryptant le témoignage de Chabron, Jean-René Mestre et son fils Bruno se rendent vite compte qu’ils ont affaire à ce qu’ils aiment désormais surnommer, avec humour, le « Colisée vellave ». Bien entendu, le Colisée n’est pas un théâtre, mais un amphithéâtre, l’image est cependant révélatrice. Et, à leurs yeux tout s’éclaire en effet : La réinterprétation des fouilles réalisées aux XVIIIe et XIXe siècles à Saint-Paulien nous donne de nouvelles confirmations. Les tunnels décrits par Chabron et fouillés par Auguste Aymard sont en fait des voûtes concrètes (voûtes romaines à l’intérieur du théâtre). Les pierres pyramidales aperçues par Mangon de la Lande au début du XVIIIe siècle sont les gradins. Comme Champollion lorsqu’il eut décodé les hiéroglyphes égyptiens, on peut le dire : nous tenons l’affaire !
Selon Jean-René Mestre, en observant l’emprise sur le plan cadastral, la forme révélée par les photos aériennes et la pente du terrain actuel, il est facile d’estimer les dimensions exactes du théâtre ainsi que sa capacité : tout laisse à penser qu’il est comparable à ceux de Moingt (Forez) ou de Javols (Gévaudan), un peu plus petit que celui de Fourvière à Lyon et qu’il pouvait accueillir plusieurs milliers de personnes, entre 5.000 et 10.000, taille tout à fait courante à l’époque. Des fouilles permettraient-elles de conforter cette hypothèse ? Difficile d’y entreprendre un tel chantier car le périmètre est entièrement bâti avec même une maison de retraite. Pour autant, la question ne va pas manquer d’alimenter la chronique du passé vellave.
Des répercussions sur Polignac et le masque d’Apollon Les deux chercheurs n’en restent pas là. Leur découverte a des répercussions encore plus profondes, notamment sur Polignac et sur l’âge du Ruessium romain. Leur analyse des écrits de Chabron prend maintenant une tout autre dimension : « Il devient évident que les blocs monumentaux de l’édifice théâtral romain servirent dans un premier temps à établir sur son sommet puis à fortifier le château de la Mote des Polignac : il était sur le sommet du théâtre, à l’emplacement de Notre-Dame du Haut-Solier et maintenant de la maison de retraite Résidence Ruessium. Les Polignac utilisèrent plus tard les abondants blocs romains (qui avaient été extraits à l’origine des carrières gallo-romaines d’arkose de Blavozy) à la construction ou l’aménagement de nombreux châteaux. C’est ce que confirme Chabron en citant entre autres la forteresse de Polignac dont le donjon bien connu a pu être édifié en partie avec ces blocs », dit Bruno Mestre.
Pourquoi n’a-t-on pas identifié plus tôt l’emplacement de ce théâtre gallo-romain ?
Ces chercheurs pensent que les érudits du XIXe siècle réunis autour de la Société académique et du Vicomte de Becdelièvre ont trop systématiquement contesté l’importance de Ruessium comme capitale du Velay en minimisant tout ce qui en provenait.Le masque d’Apollon à Polignac proviendrait-il du théâtre de Saint-Paulien. « Pour des considérations politiques désuètes, ils préféraient parler du Puy comme capitale. Et puis, ils croyaient à la présence d’un temple dédié à Apollon sur la plate-forme de Polignac. Comme preuve, ils avançaient la présence dans le donjon d’une grande pierre antique dessinant en relief les traits d’un homme doté d’une large chevelure et d’une barbe foisonnante, le célèbre “masque d’Apollon”. Et d’une inscription, elle aussi sur pierre d’arkose, concernant l’empereur romain Claude et datée environ de l’an 50 après J.-C. », précise Jean-René Mestre. « De fait, cette pierre a longtemps servi à accréditer la venue de l’empereur à Polignac pour consulter les oracles d’Apollon. Les archéologues et historiens ont montré depuis qu’il s’agissait d’une légende créée de toutes pièces au Moyen-Âge pour glorifier une illustre ascendance à la famille des Polignac qui se prétendaient issus de Sidoine Apollinaire, évêque de Clermont-Ferrand vers 470, voire même du dieu Apollon… »
La pierre commémorant la construction du théâtre ?
Bien après la Conquête romaine, en 50 après J.-C., l’empereur Claude aurait fait construire un théâtre dans la capitale du Velay, selon les deux chercheurs. La ville, située sur une voie importante, est ensuite totalement détruite par des invasions barbares et presque abandonnée aux cours des siècles suivants. Autour de l’an mil, les Polignac (dont on ne sait pas encore ni pourquoi, comment et depuis combien de temps ils sont là) aménageaient sur le point haut du théâtre, en se servant des blocs ruinés, le site défensif du château de la Mote. Toujours selon les découvreurs, ils se sont servis du théâtre de Saint-Paulien (et des bâtiments connexes) comme carrière et ont fini rapidement par emmener les plus belles pierres à Polignac et dans les autres châteaux ou ceux de leurs amis : Saint-Vidal, La Roche, La Valette, Solignac… Ainsi que pour de nombreuses « belles maisons », rendant invisible à nos yeux pendant de long siècle le plus grand monument public romain du Velay ! La présence d’un théâtre romain à Saint-Paulien donne donc un tout autre sens à ces pierres et leur permet d’affirmer qu’elles n’ont que peu de chance de provenir de cet hypothétique temple d’Apollon.L’inscription de l’empereur Claude à Polignac.
Le masque d’Apollon peut s’analyser désormais, selon les chercheurs, comme un masque de décoration du théâtre de Ruessium. Mais surtout, c’est l’inscription de l’empereur Claude qui prend un nouvel éclairage. Ce ne serait pas, comme le veut la légende, un cadeau de l’empereur lors de son passage à Polignac, mais la pierre dédicatoire commémorant la construction du théâtre par l’empereur ! C’est tout à fait en cohérence avec les conclusions des archéologues du XXe siècle qui, dans La Carte Archéologique de la Haute-Loire (1994), confirment qu’il « faut probablement attendre le règne de Claude pour que la ville reçoive une organisation orthogonale et que l’on commence à construire en dur ». Bref, c’est toute l’histoire du patrimoine polignacois qui se retrouve bousculée par ces découvertes. Les débats sont ouverts.
Jérôme Bay